Entre le voir et le dire – La critique d’art des écrivains dans la presse symboliste en France de 1882 à 1906
Françoise Lucbert
Presses Universitaires de Rennes
Comment dire le voir? En d’autres termes, la peinture est-elle réductible au langage, a fortiori quand le symbolisme vante une esthétique non plus mimétique et naturaliste, mais suggestive, idéelle… Telle est la question que se posent les écrivains de la presse symboliste, et qu’expose cette version remaniée d’une thèse de doctorat. L’étonnante manne que constitue la critique des écrivains d’art, et l’abondance des “petites revues” qui apparaissent alors, firent de la critique, considérée comme un genre littéraire à part entière, le terrain de nombre de ses auteurs pour présenter leurs vues esthétiques, et s’exercer à la poésie. Car comme le démontre brillamment l’auteur, la critique doit non pas être un compte-rendu journalistique ou scientifique des expositions et du Salon, mais au contraire une transposition subjective, partiale et évocatrice de l’œuvre critiquée. Dénigrant les institutions culturelles, le modèle de l’artiste indépendant, hérité du Romantisme, refusant toute logique commerciale, et vivant en ascèse une véritable communion mystique avec son œuvre, est au cœur de ces nouvelles théories. Le lecteur découvrira ainsi sous la plume exaltée de ces écrivains de véritables perles stylistiques, mêlant néologismes saugrenus et insolites épithètes. Je conclurai par ce plaidoyer d’Albert Aurier publié dans le Moderniste Illustré, qui entend rejeter la glose des professionnels de l’art et laisser la parole aux artistes, résumant bien cette conception particulière de la critique : “Il y a assez longtemps qu’on fait de la critique avec des mots et des phrases. Nous espérons que nos lecteurs nous sauront gré de cette tentative et ne regretteront point les vieux oripeaux rhétoricards dont les salonniers d’hier et d’aujourd’hui ont l’habitude de costumer leur incompétence”.
Antoine Fonsagrive
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