Artiste majeur du XXe siècle, autant par ses contributions plastiques que par ses formulations théoriques, Paul Klee, à l’instar de son ami Wassily Kandinsky, fut l’un des premiers à opérer la jonction entre expressionnisme et abstraction, s’éloignant de la figuration dans l’optique de rétablir l’immédiateté de la perception esthétique au travers du pouvoir signifiant des couleurs, lignes et aspérités. Menant ses recherches en marge des grands courants artistiques, toute son œuvre tend vers une quête perpétuelle de la traduction visuelle de ce qui est imperceptible autant à l’œil qu’à l’entendement, conjuguant dans un précaire équilibre sincérité et force expressive du trait et des formes. Sensible au pouvoir d’envoûtement de la musique, celui qui consacra son œuvre à l’affirmation picturale des inclinations du cœur et de l’âme s’attarda notamment sur la faculté d’éloquence de la polyphonie des sons. Considérant que « l’art pur suppose la coïncidence visible de l’esprit du contenu avec l’expression des éléments de forme et celle de l’organisme formel », l’artiste étudia l’invisible ; et tout en transformant la toile en support de ses visions intérieures, il poursuivit une logique prospective interrogeant le traitement des couleurs, des matériaux, de la typographie, et la portée signifiante de leur combinaison. Se positionnant au carrefour de la pratique raisonnée et réflexive et de l’expression libre des passions humaines, et dans la recherche permanente de l’harmonie exaltée par la combinaison raisonnée d’éléments antagonistes, l’œuvre de Paul Klee transcende le perceptible.

Justine Morvan